Le 8 avril dernier, l’Institut des Hautes Études des Mondes ruraux (IHEMRu) réunissait écrivains, chercheurs, élus, journalistes et acteurs des ruralités au Hub des territoires de la Banque des territoires afin d’interroger le vocabulaire qui décrit, et parfois caricature, les ruralités françaises.
Après le propos d’ouverture d’Olivier Sichel, directeur général par intérim du groupe Caisse des dépôts et hôte de cette matinée d’échanges, la présidente de l’IHEMRu, Dominique Faure, et la ministre déléguée chargée de la Ruralité, Françoise Gatel, ont insisté, dans leurs discours, sur l’enjeu central de la rencontre : mieux nommer pour mieux agir.

« Les mots comptent. Ils façonnent nos politiques, nos représentations, nos imaginaires »
Dominique Faure, présidente de l’IHEMRu« La ruralité n’est ni un grenier, ni un silo, ni une réserve d’Indiens : elle est un territoire de ressources et de projets »
Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité
Les mots d’hier et d’aujourd’hui
Quelle est l’importance des mots dans les enjeux de reconnaissance, de représentation et d’intégration des territoires ruraux ? Comment des termes de zonage peuvent-ils invisibiliser vingt-deux millions de ruraux ? Quelles évolutions observe-t-on dans les représentations littéraires des campagnes ? Telles étaient les questions au cœur de la première table ronde.

De l’appel d’Érik Orsenna à sauver chaque terme menacé, à l’historique linguistique dressé par Élisabeth Ridel-Granger, rappelant comment naissent, vivent et s’éteignent les mots liés à la ruralité, en passant par le réquisitoire de Gérard-François Dumont contre des classifications « urbano-centrées », la défense d’une ruralité comme « territoire d’invention littéraire » par Jean-Yves Laurichesse, et le manifeste de Laurent Rieutort, cette table ronde a mis en lumière un impératif : rebâtir un lexique capable de rendre visibles, sensibles et donc pensables les campagnes françaises.
Les mots de la ruralité dans les politiques et les représentations médiatiques
Le constat est souvent le même : les territoires ruraux regorgent d’initiatives, de projets, d’innovation, qui ne sont pas suffisamment portés à la connaissance du grand public dans les médias. Comment la langue peut-elle réparer cette fracture ? Qui raconte vraiment les territoires quand les écrans saturent d’images urbaines ? Comment communiquer pour donner à la ruralité la place qui lui revient dans le récit français ?

En introduction, Paul Rondin, directeur de la Cité internationale de la langue française, a présenté la langue comme « le premier outil de réconciliation » : elle peut retisser le lien entre villes et campagnes. Face aux portraits s’attardant souvent sur leurs difficultés, Jean-Baptiste Marie devait souligner le paradoxe « d’un monde rural présenté en crise alors qu’il séduit depuis la pandémie ». Lauréate de la dernière édition du Prix médias et ruralités, la journaliste Agathe Beaudouin a appelé à « dire la complexité » d’une campagne tout à la fois joyeuse et combative. Reste un défi, résume la communicante Émilie Zapalski : « trouver le ton juste et le vocabulaire adapté pour faire entendre la voix des territoires au niveau national », programme du module de formation qu’elle animera au sein de l’IHEMRu.